Selon Girard Il est possible pour avoir une bouc émissaire qui est coupable.

 Selon Girard Il est possible pour avoir une bouc émissaire qui est coupable.



Girard dit "Sophocle, dans sa profondeur, nous laisse entendre, comme le fera plus tard Dostoïevski dans les Frères Karamazov que, même si elle est accusée à tort, la victime émissaire est coupable comme les autres. A la conception habituelle de la «faute», qui perpétue la théologie, il faut substituer la violence, passée, future et surtout présente, la violence également partagée par tous. Œdipe a participé à la chasse à l'homme. (280)"




 Girard dit "Il ne faut pourtant pas exagérer la convergence des deux lectures, celle de Freud et la nôtre. Au-delà d'un certain point, la différence reparaît. Freud retombe même sur la différence par excellence. A la foule des doubles s'oppose la singularité absolue du héros. Le héros monopolise l'innocence, et la foule la culpabilité. La faute attribuée au héros ne lui appartient pas du tout; elle appartient exclusivement à la foule. Le héros est pure victime, chargé de cette faute avec laquelle il n'a absolument rien à voir. Cette conception à (Pág 279) sens unique simplement « projective i. est insuffisante, menteuse. Sophocle, dans sa profondeur, nous laisse entendre, comme le fera plus tard Dostoïevski dans les Frères Karamazo que, même si elle est accusée à tort, la victime émissaire est coupable comme les autres. A la conception habituelle de la «faute», qui perpétue la théologie, il faut substituer la violence, passée, future et surtout présente, la violence également partagée par tous. Œdipe a participé à la chasse à l'homme. Sur ce point comme sur tant d'autres, Freud reste plus embrumé de mythe que certains écrivains dont son esprit de sérieux et son snobisme scientifique repoussent systématiquement les intuitions. 

La lecture freudienne est typiquement moderne dans l'inversion du mythe qu'elle propose. Grâce à la victime innocente, au sort de laquelle on s'identifie, il devient possihl'e de culpabiliser tous les faux innocents. C'est déjà là ce que faisait Voltaire dans son Œdipe. C'est encore ce que fait tout l'antithéâtre contemporain, mais dans une confusion et une hystérie grandissantes. On ne cesse d'inverser les «valeurs» du voisin pour s'en faire une arme contre lui, mais tout le monde est complice, au fond, pour perpétuer les structures du mythe, le déséquilibre significatif dont chacun a besoin pour nourrir sa passion antagoniste. 

La différence prétend chaque fois s'abolir mais elle ne fait jamais que s'inverser pour se perpétuer au sein de cette inversion. C'est de cette même différence, en dernière analyse, que parle Heidegger à propos de toute la philosophie, de Platon à Nietzsche chez qui, précisément, cette même inversion est repérée. Derrière les concepts philosophiques c'est toujours la lutte des hommes qui se dissimule, c'est toujours l'antagonisme tragique. Ce que Freud ne voit pas, c'est que sa propre pensée demeure intérieure à cette lutte, que son interprétation même de la tragédie fait partie de ce mouvement de va-et-vient qu'il ne parvient pas à dégager. L'immobilité de sa lecture correspond tout à fait, d'ailleurs à la conception du meurtre unique, qui est meurtre d'un vrai père, d'un vrai héros, et qui a lieu une fois pour toutes. "

(Pág 280)

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